Bruno Millienne, député MoDem des Yvelines et vice-président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, veut profiter d’une « nouvelle phase du quinquennat » pour avancer sur le « débat de la décentralisation ». « Donnons-nous ce qu’il reste du quinquennat pour bâtir – enfin – un vrai statut de l’élu, plus protecteur », demande cet élu de la majorité à l’exécutif.

Voici la tribune de Bruno Millienne, député des Yvelines et vice-président du groupe MoDem et apparentés à l’Assemblée nationale, également membre de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et conseiller régional d’Ile-de-France : « Plus qu’une petite musique champêtre et bucolique, c’est un bruit de fond monotone, presque pesant, qui se fait entendre depuis plusieurs mois. La soi-disant ‘colère’ des ‘territoires’ à l’égard de l’Etat et des réformes lancées ou annoncées par le gouvernement se doit d’être remise en perspective.

De quoi parlons-nous? Parlons-nous de l’opération politicienne des présidents des plus grandes associations qui, d’un côté́ dénoncent l’absence de dialogue, et de l’autre pratiquent la politique de la chaise vide ; ou parlons-nous des attentes légitimes des élus locaux, au quotidien sur le terrain, qui n’ont pour seul agenda – eux – de pouvoir mener à bien leurs missions locales dans l’intérêt de leurs administrés?

La critique sur le retour de l’Etat jacobin et centralisateur est classique, mais elle tombe à plat et ne trompe personne

Il y a un peu plus d’une semaine, le congrès de l’Association des Régions de France de M. Morin se tenait à Marseille pour y lancer avec l’ADF de M. Bussereau et l’AMF de M.Baroin un ‘appel pour les libertés locales’ et proposer des ‘assises de la décentralisation’. Soit. La critique sur le retour de l’Etat jacobin et centralisateur est classique, mais elle tombe à plat et ne trompe personne. Dès le début du quinquennat le gouvernement a créé cette instance de dialogue : la Conférence nationale des territoires. Elle s’est réunie sept fois depuis juillet 2017. Ces trois associations ont constamment louvoyé́ entre participation et boycott, mais les autres associations de collectivités, elles, ont participé́ régulièrement à ces travaux.

Personne ne veut revenir sur la conception décentralisée de la République, et surtout pas le gouvernement qui, dans la concertation, avance sur la question territoriale.

Je pense notamment à la refonte de la fiscalité locale qui interviendra dès 2019 pour donner aux élus locaux une visibilité et une stabilité – notamment dans le cadre de la suppression programmée de la taxe d’habitation – leur permettant d’avoir pleinement connaissance du contexte budgétaire et financier dans lequel ils pourront évoluer. Je pense aussi à la nouvelle étape de réorganisation territoriale, indispensable pour retrouver une efficacité de l’action publique au plus près du terrain et pour en finir avec certains doublons (métropole et département par exemple) institués par les lois NOTRe et MAPTAM. Je pense évidemment à un sujet cher au Mouvement démocrate, celui de l’inscription dans la Constitution d’un droit à la différenciation territoriale pour redonner des libertés locales et de la souplesse au terrain. Cette avancée serait d’ores et déjà actée si l’opposition, la même qui se pose en défenseur des territoires, n’avait pas bloqué, à l’été dernier et pendant plusieurs semaines, la réforme constitutionnelle, préférant instrumentaliser un mauvais feuilleton d’été en une soi-disant ‘affaire d’Etat’.

Ces mêmes personnes tentent de faire croire à une opposition entre la capitale et la province, entre l’Etat et les territoires, font preuve ‘au choix’ d’amnésie, d’amertume politicienne ou de malhonnêteté intellectuelle.

Saluer le bilan du gouvernement et de la majorité, ce n’est pas se doter d’œillères

Les élus locaux demandaient un cadre financier clair : nous avons proposé aux seules 322 plus grandes collectivités, qui représentent les 2/3 de la dépense publique locale, une démarche de progression maîtrisée de leurs dépenses. Nous avons, dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques de la prévention des inondations (GEMAPI), tout comme en matière d’eau et d’assainissement, facilité la mise en œuvre de ces compétences. Nous avons, via la loi Elan, réaffirmé le rôle des maires en matière d’urbanisme et assoupli – sans remettre en cause ses objectifs – la loi SRU pour les communes rurales et celles entrées dans le dispositif au 1er janvier 2015. Surtout, le montant de la DGF a été stabilisé après 11 années de baisse, avec au global une augmentation en 2018 de près de 300 millions d’euros des concours financiers de l’Etat aux collectivités, même s’il conviendra – à l’heure de la réforme de la fiscalité – d’en repenser les critères d’attribution, de répartition et de péréquation. Le récent rapport de la Cour des Comptes montre que nous sommes sur la bonne voie.

Rétablir ces vérités et saluer le bilan par la même occasion du gouvernement et de la majorité, ce n’est pas se doter d’œillères et nier pour autant que nous avons encore de nombreux sujets prioritaires auxquels nous devons nous attaquer, humblement, pour répondre aux attentes du terrain et consolider le lien de confiance entre l’Etat et les collectivités.

Nous devons accélérer sur la question des ‘quartiers’

Oui, nous devons avoir le débat de la décentralisation que nous voulons pour demain. Nous devons aussi permettre aux collectivités locales d’avoir les moyens d’assurer les missions que l’Etat leur a transférées.

Oui, nous devons accélérer sur la question des ‘quartiers’. L’appel de Grigny ne peut rester sans suite. Gerard Collomb l’a évoqué à l’occasion de son départ de Beauvau : ‘Le terme de reconquête républicaine prend, dans ces quartiers, tout son sens.’ Certes, la question sécuritaire est primordiale, et en ce sens la police de sécurité du quotidien aidera ; mais il nous faut rebâtir une politique de la ville globale, pensée sous les angles de la cohésion du territoire, de la solidarité et de la réaffirmation des valeurs républicaines. A l’aube d’un remaniement, saisissons l’opportunité de ramener la cohésion DU territoire sous le giron du ministère de l’Intérieur pour porter une vision globale et sociale de la question territoriale.

Oui, nous devons davantage intégrer les territoires péri-urbains et ruraux à cette aventure collective. Ils doivent pouvoir bénéficier du fruit des réformes. A l’image du dispositif ‘Action Cœur de Villes’ pour les villes moyennes, accompagnons nos villages pour les aider à trouver leur second souffle en y redynamisant les centre-bourgs par un soutien au commerce de proximité et au maintien des services publics. Saisissons l’occasion de la loi d’Orientation des mobilités à venir pour désenclaver notre ruralité ; faisons de la fiscalité environnementale une politique plus incitative, plus juste, plus sociale pour que la transition écologique ne soit pas subie et vécue comme une sanction par certains de nos concitoyens mais devienne une chance pour le développement de ces territoires.

Donnons-nous ce qu’il reste du quinquennat pour bâtir – enfin – un vrai statut de l’élu, plus protecteur

Entendons aussi l’appel des maires de petites communes qui ont l’intérêt général chevillé au corps mais pour lesquels l’exercice de leur mandat est devenu un véritable sacerdoce. Donnons-nous ce qu’il reste du quinquennat pour bâtir – enfin – un vrai statut de l’élu, plus protecteur.

Le dialogue n’a jamais été rompu. Il n’y a pas de divorce. Ni entre le gouvernement et les collectivités locales, ni entre la majorité et les élus locaux. La création inédite de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation à l’Assemblée nationale en témoigne.

Nous entrons dans une nouvelle phase du quinquennat. Le président de la République le sait. Il sait qu’il doit maintenir le cap, avec le Premier ministre autour d’un gouvernement de combat remanié et rassembleur, et qu’il doit parler – avec plus d’entrain encore – aux Français et à la France des territoires.

Nombreux sont ceux dans la majorité – et c’est le cas du Mouvement démocrate depuis toujours – qui portent dans leur ADN la décentralisation. En cette semaine du 60e anniversaire de la Constitution, n’oublions jamais que la France, ce n’est pas l’Etat contre les territoires mais l’Etat et les territoires. La France est un tout, une unité de destin. »

lejjd.fr

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