L’arrivée massive d’élus inexpérimentés, conjuguée à la multiplication des réformes institutionnelles et financières, suscite une forme de paralysie de l’action publique locale. Un phénomène qui ne laisse pas d’inquiéter les directeurs généraux des services.

La période a probablement débuté en 2014, après les élections municipales et l’arrivée de nombreux nouveaux élus. Il flottait alors sur les communes une sorte de parfum de « dégagisme » avant l’heure. Même dans des bourgs ruraux, certains exécutifs municipaux présentant un bilan et s’inscrivant dans la continuité furent balayés par des équipes chargées de débutants motivés.

Or ce sont ces nouveaux élus qui, aux commandes dans les communes, ont été priés de réorganiser totalement leurs intercommunalités, de casser les grandes maisons collectives qu’étaient leurs établissements publics de coopération intercommunale pour construire des immeubles XXL et devenir de nouveaux syndicats de copropriété – alors que certains connaissaient à peine le fonctionnement des intercos. D’où le diagnostic du directeur de l’Institut d’Auvergne de développement des territoires (IADT), Laurent Rieutort, également professeur à l’université Clermont-Auvergne, qui a évoqué un « trou d’air territorial » lors d’un colloque sur l’ingénierie des territoires et les institutions en mutation.

INTERCOS-RÉGIONS: UN DIALOGUE DIFFICILE

Cette période de « flottement » institutionnel local s’est poursuivie en 2016, avec l’annonce puis la mise en chantier, tambour battant, des fusions de régions. Autant dire que les élus locaux ont passé ces premières années de mandat le nez dans le guidon. L’incertitude institutionnelle gagnait alors les autres échelons des collectivités que sont les départements et les régions. Voués à être « dévitalisés », puis sauvés in extremis, les premiers ont dû remettre en question leurs politiques publiques dans de nombreux domaines, du développement économique à la culture, en passant par l’archéologie ou les transports. Les régions, quant à elles, et notamment toutes celles qui ont été contraintes à fusionner avec une ou plusieurs voisines, ont forcément dû passer l’année 2017 à réorganiser leurs services, à harmoniser leurs politiques publiques, voire à se doter d’une nouvelle identité. Le dialogue s’est avéré difficile entre des intercommunalités sans projet de territoire et des régions concentrées sur la rédaction des schémas prescripteurs Sraddet (aménagement, développement durable et équilibré du territoire) et SRDEII (développement économique et innovation).

Inévitable, la baisse de rythme de l’action publique locale a affecté nombre de politiques des collectivités. Le blocage des dossiers des fonds européens Leader en est l’une des plus tragiques illustrations. Prévus dans la période de programmation des fonds 2014-2020, les premiers projets commencent à peine, en 2018, à être instruits. Quatre années de retard cumulé à la suite du transfert par l’Etat de l’autorité de gestion de ces fonds aux régions, avant les fusions. Désormais, il faudra mettre les bouchées doubles – jusqu’en 2022 – pour ne pas avoir à rendre de l’argent à Bruxelles.

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