Avec la raréfaction des ressources, les collectivités territoriales ont recours à de nouveaux types d’emprunts pour le financement de leurs projets d’infrastructures et autres. Durant la campagne électorale, beaucoup de candidats ont émis le vœu de se tourner vers cet instrument pour le développement de leurs localités.

C’était un mardi 30 juin 2020, les bulldozers s’acharnaient sur les premières cantines du marché de Gueule Tapée à Dakar. L’objectif était clair pour la municipalité. Il fallait y ériger, sans bourse déliée et par le mécanisme d’un partenariat public-privé (Ppp), un centre commercial de 5 étages avec toutes les commodités. Dans son approche, la collectivité territoriale, dans le cadre de la reconstruction des marchés, voulait rénover ces lieux de commerce sans participer au financement. En ce qui concerne la Gueule Tapée, la promotrice de ce projet, Mme Salimata Dieng Ba de la société Eliren Building,  avait souligné :  » nous  avions mobilisé 6 milliards de Fcfa pour les travaux, sans l’apport ni de l’ État ou de la collectivité locale ».

Toutes les commodités avec un mélange de traditionnel et de moderne, le tout bâti sur 5000 m² dont 2200 m² pour les tabliers (Gueule Tapée est un marché de fruits, de légumes et de poissons), sont prévus dans le projet.

Selon elle, un parking, un sous-sol, un centre commercial moderne avec restaurant piscine, terrain de football, des chambres froides et des aires de jeux pour les enfants sont également prévus. Et Mme Ba d’ajouter : ”la municipalité pouvait se retrouver avec 36 millions de Fcfa par mois en termes de ressources ».

Dans cette même logique, M. Ousmane Ndoye, maire de la commune de Fass-Colobane-Gueule Tapée, déchu dimanche dernier lors des élections locales, saluait cette approche dans un entretien avec Le Soleil. Il soutenait  » avoir engagé des opérations de construction d’un centre commercial qui va coûter 6 milliards de Fcfa, le promoteur l’exploite pendant 5 ans avant qu’il nous le restitue et ce patrimoine communal pourra être déposé à la banque pour lever des fonds et investir dans d’autres secteurs ». À côté de la Gueule Tapée, la mairie pensait, par ce mécanisme de financement, réfectionner le marché de Fass à hauteur de 4 milliards de Fcfa et, d’ici 15 ans, la commune va disposer d’un patrimoine de 10 milliards de Fcfa.

L’Adm AU CŒUR DE LA PROMOTION DU PPP

Dans un contexte fortement caracterisé par la rareté des ressources, l’agence de développement municipale ( Adm), sous la houlette de son Dg Cheikh Issa Sall, s’est inscrite dans une dynamique de transformation pour adapter son offre de services aux nouveaux paradigmes induits par ce réforme majeure de décentralisation à travers l’acte 3. Pour augmenter de manière plus soutenue les ressources destinées à accroître  les investissements dans les territoires, M. Sall assure que l’Adm a développé une stratégie de promotion des modes de financement alternatif. C’est à ce titre qu’elle a initié le projet financement innovant des territoires qui vise à promouvoir, au profit des collectivités territoriales, l’emprunt bancaire, l’accès aux marchés financiers et aux fonds verts, les Partenariats publics-privés. En effet, poursuit le directeur général de l’Adm, en tant qu’agent économique, les collectivités locales ont d’importants besoins de financement, à l’image des entreprises. Ainsi,  » nous avons mis en place un fond de 2 milliards de Fcfa appelé  » Projet financements innovants » dans le but d’accompagner les collectivités territoriales pour mobiliser des ressources financières auprès de partenaires privés, à travers le marché financier, le secteur bancaire et le Ppp ».

UN PUISSANT OUTIL POUR L’ÉMERGENCE DES COMMUNES

Le Ppp est un instrument privilégié du développement économique et sociale des collectivités territoriales, a déclaré hier  M. Boubacar Diakhaté, chef du service régional d’appui au développement local de Saint-Louis. Il a souligné l’importance des opportunités qu’offrent les Ppp aux collectivités locales pour le développement, les enjeux et perspectives de financement des projets de ce genre. M. Diakhaté a aussi rappelé que le Ppp est un puissant et innovant outil de développement territorial. Il permet l’exploitation des infrastructures marchandes des collectivités territoriales à travers des contrats,  » c’est un levier très important qui permet de donner un service public de qualité aux usagers ». Grâce au Ppp,  » nos collectivités territoriales ont la possibilité de recevoir régulièrement des redevances, des impôts et des taxes locales », a t-il précisé.

M. Diakhaté a insisté sur la nécessité de promouvoir ce type de partenariat en vue de développer les investissements marchands dans les collectivités territoriales, d’arrêter des mesures d’accompagnement, pour une gestion plus efficace et plus rentable de ces collectivités locales. Il a enfin indiqué qu’il existe d’innombrables opportunités pour le type de projet Ppp au Sénégal.  » Les infrastructures sont le domaine de prédilection des Ppp ».

Devant l’euphorie des Ppp, M. Ousmane Sow, Directeur de l’agence régionale de développement ( Ard ) de Saint-Louis, a rappelé que faire recours à ce mécanisme n’est pas chose facile. Il a avoué que du point de vue réglementaire et législatif,  » il y a une loi qui a été votée, mais le décret de mise en vigueur pour explorer les Ppp n’a pas encore été signé, donc pas de textes pour définir les modalités ». En plus,il a souligné qu’il y a des instances de validation des contrats signés par les collectivités,de même que le projet lui même. Le plus important, pense t-il, »il y a un vide juridique à combler et les collectivités territoriales ont besoin d’être accompagnées par l’État pour la matérialisation des Ppp,car c’est un mécanisme encadré et rigoureux ». Pour M. Sow,il y a beaucoup de fantasmes sur l’utilisation des Ppp , mais ce n’est pas toujours facile pour les collectivités territoriales.

Le Soleil

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