« Réformer, c’est consolider les acquis et corriger les erreurs du passé  » disait le professeur Ismaila Madior Fall , Président du comité de pilotage de l’Acte 3 .
La problématique de la politique de décentralisation est connue et tourne essentiellement autour de l’ insuffisance de moyens financiers et humains de nos Collectivités territoriales pour asseoir leur propre développement. Ce qui pose assurément la question de la viabilité de celles-ci, d’où la fameuse vision  » construire des territoires viables, compétitifs et porteurs de développement « .
 » Il n’y a pas de décentralisation sans autonomie financière, tout comme il n’y a pas d’autonomie sans une fiscalité locale propre et suffisante ».
A vrai dire, l’importance de la fiscalité dépend de la viabilité économique d’une localité donnée. En effet, il faut des ressources naturelles et humaines, des biens et  services pour avoir de la matière imposable.C’est ce qu’on appelle en finances publiques : l’assiette fiscale. Plus elle est large,  plus les montants recouvrés (impôts, taxes, redevances) sont importants; moins elle l’est, alors les retombées financières sont insignifiantes pour la collectivité. Ceci est d’autant plus vrai,  que la majorité de nos collectivités territoriales fonctionnent grâce aux transferts financiers de l’État avec les Fonds de dotation de la décentralisation (FDD) et le Fonds d’Équipement des Collectivités territoriales  (FECT). Un état de fait qui rappelle à quel point l’autonomie recherchée dans la Décentralisation est foncièrement biaisée avec la mainmise de l’État.sur le fonctionnent des collectivités territoriales.
Conscients de cet aspect essentiel du financement des Collectivités territoriales, il  était question pour les acteurs de la réforme de l’Acte 3 de scinder la réforme en 3 phases :
1 :La mise en cohérence territoriale avec le redécoupage du territoire, la fusion et la suppression des Collectivités jugées « non viables » et la création de « pôles territoires « avec le regroupement des régions en tenant compte de facteurs géographiques, économiques et culturelles. Les scenaris proposés avaient abouti à 5 pôles régionaux de développement qui correspondaient aux anciens royaumes du Sénégal (pôle sine-Saloum, pôle de la casamance, pôle du Sénégal oriental….).
2: La communalisation intégrale et la départementalisation 
3: La révision des mécanismes de financement.
Dans la forme, l’ Acte 3 se révèle  ambitieuse et la vision claire mais il se pose bien évidemment, la question du pourquoi réformer et du  comment réformer car cette réforme laisse plus que perplexe quant à ses réelles motivations et ne semble pas du tout répondre à une logique de consolidation des acquis et de correction des erreurs du passé.
 La première phase a été mise en sourdine  et la deuxième phase, sous silence  alors que la quintessence même de la réforme reposait sur  ces deux phases en ce sens qu »il fallait miser sur la viabilité des territoires pour donner aux collectivités les moyens de leur politique et accroître leurs ressources financières.
Supprimer ou fusionner des Collectivités s’annonçait très risqué pour le pouvoir car les élections locales de 2014 se profilaient à l’horizon et il était hors de question de réveiller des velléités politiques et même des conflits fonciers.Finalement, la logique politique a eu raison de la logique rationnelle et la deuxième phase sera alors appliquée…
Avec un petit changement terminologique, la réforme était faite: » les communautés rurales s’appelleront désormai communes »…Un jeu de mots.
Tout a changé, mais rien a changé au fond. Les problèmes demeurent,  la viabilité tant annoncée est laissée aux oubliettes et l’Acte 3 presque  « phagocytee  » par le PSE.
On en parle aujourd’hui comme étant « la déclinaison territoriale du PSE ». Or chronologiquement, la réforme de l’Acte 3 a été pensée et élaborée bien avant le PSE. 
Aujourd’hui, la mise en place des pôles territoires suscite davantage d’engouement alors qu’ils n’ont, ni vocation à être des Collectivités territoriales (et pourtant c’est ce qui avait été retenu) ni vocation à impacter leur cadre institutionnel et financier.

Les questionnements sur le statut des pôles sont toujours pendants et force est de s’interroger sur la question suivante : est-ce la réflexion qui doit précéder la réforme ou  la réforme qui précède la réflexion ?

Comme je dis souvent. Une réforme n’est ni un jeu de hasard, ni un jeu de mots mais appelle à des entreprises véritablement structurantes et opportunes pour ainsi marquer le tout que forme un système.
C’est comme creuser jusqu’à la racine d’une plante à l’agonie, pour en chercher les maux et éventuellement trouver les remèdes adéquats compte tenu de sa nature, sa spécificité et de sa capacité à résister à des agressions futures.
Le département est une coquille vide car ne disposant toujours pas d’un pouvoir fiscal et fonctionne grace à l’appui de l’Etat.
Pour ainsi dire que l’Acte 3 a perdu, pour l’instant, sa pertinence et elle s’est réduite comme une peau de chagrin.

Par Fatou SARR,
Juriste, spécialiste en décentralisation
et gestion des collectivités territoriales
Mail : fatoufinasarr1988@gmail.com

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